Vint enfin le jour où Bastien présenta sa petite amie à ma mère. Cela devenait officiel!
Quand ma mère a vu qu'Anaïs était noire, j'ai pu remarqué que ça ne la laissait pas indifférente. J'espère qu'elle n'allait pas encore mettre son grain de sel dans les amours d'autrui. C'était mon fils cette fois, et elle n'avait rien à dire. Je l'éduquait comme je voulais, et je n'allais certainement pas lui interdire d'aimer quelqu'un de bien, qui l'aimait aussi.
Quand les amoureux sont partis s'isoler un peu, ma mère est venue me parler. Je sentais déjà que ça n'allait pas aller!
- Erika, il y a un problème avec cette petite...
- Ah non, maman! Tu m'avais dit que tu regrettais ce que tu avais fait avec moi, tu ne vas pas t'y remettre avec mon fils! C'est mon enfant, tu n'as pas à t'en mêler! Je sais déjà ce que tu penses d'elle, et je ne suis pas d'accord avec toi!
- Ah... comment sais-tu ça? Tu ne m'en as jamais parlé!
- Mais de quoi parles-tu? Je te dis que tu ne l'aimes pas parce qu'elle est noire, je n'aurais pas pensé à te parler de ça, puisque pour moi ça ne change absolument rien! Je ne veux pas de racisme!
- Mais ce n'est pas ça qui me gêne!
- Oh, essaye de te défiler tant que tu veux, tu ne m'auras pas encore une fois! Je ne suis pas d'accord, Bastien a bien le droit de sortir avec qui...
- Mais Erika! Cette fille est ta nièce! Et la cousine de Bastien! Ils ne peuvent pas être ensemble!
- ... Qu... Quoi?? Qu'est-ce que tu racontes?
- Ecoute, il y a encore un secret que je ne t'ai pas dit.
- Alors là tu dépasses les bornes! Tu vas inventer des choses pour rendre mon fils malheureux maintenant!
- Je n'invente rien du tout! Ecoute-moi. Peu de temps après votre naissance, à ta soeur et toi, j'ai... j'ai... Tu te souviens que je t'ai dit que tu ne saurais jamais la vraie raison de notre divorce, à ton père et moi?
- Oui...
- Eh bien, la raison, c'est que... que j'ai trompé ton père...
- ... Alors que tu venais de nous avoir?
- Vous aviez 6 mois à peu près. J'étais tombée amoureuse d'un homme alors que j'étais enceinte. J'ai bien essayé de résister, je vous attendais, je ne pouvais pas faire ça. Mais ça a été plus fort que moi. J'ai trompé ton père, et... je suis tombée enceinte à nouveau. C'est pour ça qu'il m'a quittée.
- Et tu as gardé l'enfant... qui a eu à son tour Anaïs... Mais comment se fait-il qu'elle soit noire?
- L'homme que j'ai aimé était déjà métisse, et mon enfant, ton demi-frère, a épousé une noire. Alors maintenant, que tu m'en veuilles, je le conçois très bien, mais il faut que tu parles à Bastien, il ne peut pas aller plus loin avec cette jeune fille.
- Mais attends un peu... Si tu la connais, pourquoi n'a-t-elle pas réagi quand elle t'a vue?
- Parce que je ne l'ai vue qu'en photo. Ton frère ne m'a jamais présenté à sa femme et sa fille. Je crois qu'il m'en veut, ce que je peux conprendre, parce que je l'ai abandonné peu de temps après sa naissance. Je m'en voudrai toute ma vie. Mais j'ai la chance qu'il m'adresse déjà la parole.
J'étais complètement déboussolée! Je venais d'apprendre que j'avais un petit frère, que j'étais tante, et que mon fils était amoureux de sa cousine! Comment allais-je dire ça à Bastien? Il ne me croirait jamais, il allait m'en vouloir! Il allait être malheureux, ma hantise!
J'ai pris mon courage à deux mains et mon fils à part.
- Ecoute mon chéri, j'ai une mauvaise nouvelle à t'annoncer...
- C'est à propos de Mamy? Elle est malade?
- Non, c'est à propos d'Anaïs, et de toi aussi.
- Tu me fais peur là!
- Voilà, j'ai appris par Mamy que... enfin qu'Anaïs était... ta cousine!
- Hein?? Ma cousine? Qu'est-ce que tu me chantes là? C'est pas drôle maman!
- Ce n'est pas une blague. Mamy, dans sa jeunesse, a eu un autre enfant, caché, et cet enfant a eu à son tour une fille, qui se trouve être Anaïs...
- Mais c'est pas possible! Je l'aime! Ca ne peut pas être ma cousine! Elle me l'aurait dit!
- Elle ne le sait pas plus que toi! Seule Mamy et son fils le savaient, et mon père.
Bastien n'a plus rien dit et est parti en claquant la porte... Comment tout cela allait-il finir? Je n'en avais pas la moindre idée.
La vie suivit son cours, pour le reste de la famille. Marine commençait à être plus sérieuse avec les garçons, en particulier avec celui-ci! C'était un certain Guillaume, qui habitait dans le village. Je dois admettre qu'il est plutôt beau garçon! Une chose est sûre, il plaît vraiment à ma fille, et ce n'est pas moi qui interviendrai, aucune raison. Si ça devait être lui, ce serait lui!
Et dire qu'il ne me resterait bientôt plus qu'un enfant à "caser"!!! Marine allait bientôt vouloir partir pour l'université, mais il y a d'abord Bastien.
Seulement, comme il ne parle plus pour l'instant, ce sujet n'a pas encore été abordé.
Je me demande quand il va enfin se décider à revivre... Je déteste le voir malheureux (vous l'aurez compris je crois), et là c'est la totale.
Cela m'étonne qu'il ait laissé tombé aussi facilement, je soupçonne que quelque chose se cache là-dessous...
Enfin, après presqu'un mois de silence, Bastien vint me voir.
- 'man, faut qu'on parle!
Mmm... je n'aime pas beaucoup cette phrase!
- Je m'en serais doutée! Et à propos d'Anaïs ou d'autre chose?
- Non, d'autre chose (Ouf!), à propos de l'université. J'aimerais y aller pour faire le droit, parce que je veux faire des études, mais après, j'aimerais entrer à l'armée!
Waouw! Quel planning!
- Eh bien, oui, pourquoi pas? De toute façon, tu sais que jamais on ne t'interdira de faire ce que tu veux. Et je trouve plutôt honorable que tu veuilles faire des études avant, ce que Julien a tout de même regretté de ne pas avoir fait. Mais pourquoi le droit? Et puis, pourquoi tant d'hésitation? Tu croyais que je ne serais pas d'accord?
- Ben... Bon, le droit, parce que je ne savais pas trop quoi choisir et que je me suis dit pourquoi pas ça! Ca a l'air cool! Mais heu...
- C'est juste parce que ça a l'air cool que tu veux faire ça? Réfléchis, tu en auras pour quelques années tu sais, et faire quelque chose qu'on n'aime pas, c'est pas facile.
- Ouais mais j'aime bien, enfin je crois, et si je n'aime pas l'armée, ben au moins j'aurai ça!
- Oui, ça c'est toi qui sais ce que tu veux. Bon, il faudra s'occuper de tout ça bien vite... Il faut qu'on t'inscrive, te trouver un logement...
- Ben justement, un logement, j'en ai un!
- Comment ça?
Bastien: Ben oui, j'ai parlé de tout ça à papa déjà, et il est ok. Il m'a dit qu'il me payerait un petit studio! C'est cool hein?!
- Heu... oui, oui.
J'étais super déçue qu'il ait parlé de ça avec son père avant moi! C'est sûr, il m'en voulait pour Anaïs, alors qu'au fond je n'y étais pour rien moi, c'est pas moi qui avais eu un enfant caché!
Et son père, comme toujours, se faisait aimer par son fils grâce à son argent! Je n'en revenais pas que Bastien le considère toujours comme son père et qu'il l'adore au point de lui parler de ses projets d'avenir avant moi! Enfin, je décidai de ne pas développer ma petite crise de jalousie...
- Ok, c'est comme tu veux, après tout, c'est ta vie! dis-je en essayant de rester la plus neutre possible.
- Cool, merci 'man!
Ma petite Sacha devint déjà une adolescente aussi charmante que sa soeur! C'est que je me sentais vieillir ces derniers temps: mon fils partait pour l'université, ma première fille commençait à fricoter sérieusement et pensait elle aussi à l'université, et la dernière allait apprendre les joies des premiers flirts!
Et dans tout ça, Julien et moi approchions tout doucement de la retraite...
Je me revois encore à ma première rencontre avec Julien, j'étais toute jeune à cette époque... et maintenant, mon fils a déjà dépassé ce stade!
Bastien déménagea bien vite! Il était à présent un jeune homme exemplaire, et il allait vivre sa propre vie. Mon bébé partait!!!
Je n'avais même pas vu dans quoi il allait vivre, mais connaissant son père, j'étais sûre qu'il ne manquerait de rien, que du contraire!
J'étais contente pour lui, mais je sentais qu'il était malheureux... Cependant, je ne croyais pas qu'il allait rester bien sagement dans son studio sans profiter de sa liberté. Ce n'était pas le problème. Ce qui me faisait peur, c'est que, maintenant qu'il serait seul, il pourrait revoir Anaïs sans que personne ne le sache, si bien sûr elle et ses parents n'étaient pas au courant de toute l'affaire, ou si elle décidait, elle aussi, de faire comme si ça n'avait aucune importance... Rien qu'à cette idée, mon ventre se nouait à m'en rendre malade. Pourvu qu'ils ne fassent pas de bêtises!
Bastien est enfin chez lui, son "petit" studio!
Il me manque déjà, je ne sais pas comment je vais faire sans lui... Bon j'exagère un peu, mais vous vous rendez compte, mon petit chéri est parti!! C'est toujours dur de voir ses enfants commencer leur propre vie, sans nous... Oui, je suis heureuse pour lui, mais pas pour moi! Bon je sais, c'est la vie, il ne pourrait pas rester indéfiniment à la maison, mais c'est dur... J'espère que je pourrai aller lui faire un petit coucou de temps en temps... Bon j'arrête, je commence à radoter comme une mémé là!
Voilà ce qu'il appelle son "petit studio"! Ca m'aurait plus pour faire mes études moi! Son père ne sait vraiment faire que ça: dépenser son argent! Ah non! J'oubliais... en gagner aussi!
Oh mon Dieu, je deviens bizarre ces derniers temps... Est-ce le départ de Bastien, les filles qui grandissent ou ma crainte que Bastien ne fasse des bêtises? Je ne sais pas, mais il va falloir que je change tout ça!
Visez-moi cette cuisine! Si je n'avais pas eu la mienne de son père, celle-ci serait mieux que ce que j'aurais pu me payer!
Bon, il faut que j'arrête de me fixer là-dessus, je suis jalouse.
Je dois me concentrer sur l'important: surveiller de loin les relations de mon fils.
S'il la revoit, comment je vais faire pour l'en empêcher? Il ne m'écoutera pas puisqu'il est seul chez lui, il peut faire ce qu'il veut... Pourvu que ça ne se passe pas, sinon je suis dans la boue jusqu'au coup! Ces enfants ne me laissent aucun répis!
Pendant que je me tracassais, Bastien ne perdait pas un instant! Il revoyait Anaïs! Je ne le savais pas encore bien entendu, il ne s'en était pas vanté auprès de moi, ni auprès de personne d'ailleurs. Et Anaïs, qui était au courant de la situation, s'en contrefichait autant que mon fils.
Ils profitaient de leurs moments de liberté pour se voir autant qu'ils le pouvaient, et si ça continuait, ils allaient franchir un certain cap... qui pourrait poser bien des problèmes s'il donnait une suite!
C'est qu'ils s'aimaient ces deux-là!
Heureusement pour mon coeur, je n'étais pas encore au courant de tout cela, je me tracassais mais je n'en étais pas encore à la crise cardiaque, mais ça n'allait pas tarder, quand j'apprendrais ce qui se passait réellement!
Pourvu que... Ils ont intérêt à prendre leurs précautions!!! Si je savais ça, je serais morte avant l'heure!
Comment pouvaient-ils? A mon avis, ils n'étaient pas convaincus de ce qu'on leur avait raconté, parce que s'ils le croyaient, ils ne feraient jamais ça! Enfin, moi en tout cas je ne le ferais pas!
Mais eux ne se posaient pas trop de questions, enfin, pas longtemps...
- Bastien, tu es sûr que... ?
- Je ne crois pas un mot de ce qu'ils nous ont raconté! Je ne sais pas encore pour quelle raison, mais je suis sûr qu'ils ne veulent pas qu'on soit ensemble, et c'est tout ce qu'ils ont trouvé pour nous séparer: une histoire à dormir debout!
- Oui, tu as raison, je me tais!
- C'est une bonne idée, on a autre chose à faire que de parler...
Hum hum... Au secours!
Bastien m'a invitée! Je suis si heureuse!! Il m'a dit qu'il avait quelque chose d'important à me dire... Je me demande ce que c'est...
- Maman! Ca me fait plaisir de te voir! Tu as l'air en forme!
- Oh oui, ça va. Tes soeurs ne me donnent pas trop de fil à retordre...
- Je ne tiens pas plus longtemps... il faut que je te le dise! Mais accroche-toi, ça va te faire un choc!
Hum, s'il me prévient déjà lui-même, ça sent mauvais, non?
Il me prend les mains et m'annonce...
- Maman, je suis fiancé!
Mon coeur fait un bond de 4 mètres!
- Avec qui? demandai-je d'une petite voix.
Je vais mourir en entendant la réponse que je connais déjà!
- Ben, avec Anaïs!!! Avec qui d'autre?
- ...
- Tu ne dis rien? Tu veux encore me faire croire à tes salades c'est ça? Ecoute maman, je l'aime, je ne sais pas pourquoi tu...
- Ce ne sont pas des salades mon chéri. Oh, pourquoi es-tu tombé amoureux d'elle? C'est vraiment ta cousine, et tu ne peux pas continuer avec elle... J'espère que vous n'avez pas... enfin...
- Oh arrête. Tu n'es même pas contente!
- Tu es obstinée, me dit-il. J'aime une femme merveilleuse, et je crois que tu es jalouse. Oui c'est ça, tu es jalouse d'elle. Tu voudrais que je reste auprès de toi dans tes vieux jours! Eh bien non! Ce ne sera pas comme ça! Je croyais pourtant que tu étais généreuse, que tu ne ferais pas pareil que Mamy, mais je vois que je me suis trompé! Tu es juste la même, tu veux tout gérer, tout contrôler, même la vie des autres! Mais je peux te dire que la mienne, tu ne la dirigeras pas. Je me suis fiancé avec elle, et elle était la femme la plus heureuse à cet instant. Et cette femme, soi-disant ma cousine, des mensonges, je vais l'épouser, que ça te plaise ou non! Je ne me laisserai pas faire comme tu t'es laissé faire. A cause de tes faiblesses, je suis là! Je ne ferai pas pareil! Tu m'as menti, en me faisant croire que tu m'aimais! Je n'en crois plus un mot à présent! Si tu m'aimais, tu me laisserais vivre ma vie! Je ne veux plus te voir, plus jamais! C'est MA vie!
C'était pire que dix coups de poignard en plein coeur! Comment pouvait-il être si dur avec moi? Jamais je ne l'avais vu comme ça... A cet instant, j'ai voulu mourir. Je ne pouvais supporter d'être détestée par mon fils que j'aimais tant, malgré ce qu'il pensait. Il se trompait sur toute la ligne.
Maintenant, il allait épouser sa cousine, avec les risques que ça comportait, je ne le verrais plus... Quel sens avait encore ma vie? Mes filles et mon mari... Heureusement qu'ils étaient là, sinon moi je ne le serais peut-être plus...
En attendant, mes deux filles sont encore là, et je dois être présente pour elles. Elles s'entendent à merveille, ce qui me réjouit malgré mon récent malheur.
Pourtant, elles sont différentes. Marine est "cool" comme elle dit, elle ne se pose pas de questions, elle ne se demande pas ce qu'on va penser d'elle.
Sacha, elle, est plus réservée, mais pas comme je l'étais, heureusement. Elle vit sa petite vie, avec son amoureux, enfin, celui qui va bientôt le devenir, elle travaille pour l'école. Une vie un peu monotone, je trouve, mais je suppose que ça va changer avec l'âge.
Et voilà! Je l'avais dit. Je suis contente pour elle, elle le mérite vraiment.
Vous vous rendez compte, ma petite dernière avec un amoureux! Elles grandissent trop vite. Je me sens vieille. Et pourtant, quand je repense aux moments importants de ma vie, mon premier mariage, la naissance de Bastien, mon deuxième mariage et la naissance de mes filles, j'ai l'impression que c'était hier.
Je me rends compte que la fin de ma vie approche, et celle de Julien aussi. J'ai peur qu'il parte avant moi. Et s'il partait avant que le problème avec Bastien ne soit résolu? Et si le problème avec Bastien ne se résolvait jamais?
Voilà mon état d'esprit pour le moment. Je ne sais plus que faire...
Un jour, je revenais du travail, et le téléphone a sonné. Rien n'aurait pu me faire plus plaisir! C'était Anaïs!
Elle téléphonait en cachette, Bastien l'avait mise au courant de notre querelle.
Elle voulait que la situation se débloque, surtout que, d'après elle, Bastien s'en voulait d'avoir dit toutes ces horreurs, même s'il ne comptait pas faire le premier pas. Ah que j'étais heureuse d'entendre ça!
- Vous savez, je ne suis pas persuadée que vous dites la vérité à propos de notre prétendu lien familial. Mais je voudrais que Bastien soit heureux le jour de notre mariage, et pour cela il faut que vous soyez présents.
- Oui je comprends... Le mariage!?
Oh, je n'avais pas réalisé, ils voulaient se marier! Mais ce n'est pas possible!
- Oui, nous nous sommes fiancés, c'est pour nous marier ensuite!
- Ecoute Anaïs, tu connais mon point de vue, et comme je suis certaine que je dis la vérité, eh bien je ne pourrai pas assister à ce mariage parce que je ne peux pas dire à mon fils que j'ai menti, puisque ce n'est pas vrai. Sache que ce que je te dis là me fend le coeur, mais c'est la réalité.
- Bien, alors tant pis. J'aurai essayé. Au revoir.
- C'est lui qui doit comprendre. Au revoir.
Comment résoudre un tel problème?